Les jeux de l’IA
Les Jeux olympiques de Paris approchent à grands pas. Au-delà des habituelles histoires de persévérance, de dépassements et de déceptions, vous risquez aussi beaucoup d’entendre parler d’intelligence artificielle (IA) cette année, notamment en lien avec l’entrainement des athlètes, la diffusion des épreuves et la modération sur les réseaux sociaux.
Voici un petit aperçu de ce qui vous attend pour ces premiers JO à l’ère de l’IA.
L’IA pour décupler les diffusions
L'un des grands défis de la diffusion d'un événement comme les Jeux olympiques est le volume de contenu à produire. À Paris, en 17 jours, plus de 11 000 heures de contenu seront créées. C’est l’équivalent de plus de 450 jours ininterrompus. Et en 2024, les attentes par rapport aux images qui seront proposées et par rapport à la vitesse à laquelle elles seront offertes ne sont pas les mêmes qu’il y a 20 ans.
Des plateformes d’IA d’Intel seront utilisées à Paris par OBS - la filiale du Comité international olympique (CIO) responsable de la diffusion de toutes les images des Jeux olympiques - pour automatiser notamment la génération de moments forts et du contenu de rattrapage. Tout ce contenu sera rendu accessible presque en temps réel aux diffuseurs de partout dans le monde.
« C’est vraiment une grande opportunité pour nous, car il serait impossible de créer tout ce contenu manuellement », estime le directeur général d’OBS Yiannis Exarchos, lors d’une présentation à laquelle j’ai assisté en avril dans le cadre de la conférence NAB de Las Vegas. L'IA sera également utilisée pour créer des reprises à 360 degrés, « un peu comme dans The Matrix », ajoute Yiannis Exarchos.
« À Paris, il va y avoir plus de contenu produit qu’auparavant et le contenu sera plus sophistiqué. C’est grâce à l’IA que nous allons y arriver sans faire exploser les coûts », résume pour sa part John Footen, directeur général du secteur des médias et du divertissement chez Deloitte.
L’IA comme outil de surveillance en ligne
Un service de surveillance alimenté par l’IA sera mis en place aux Jeux olympiques d’été de 2024 pour protéger les athlètes et les arbitres contre les abus en ligne. Ce système suivra en temps réel des milliers de comptes sur les principales plateformes de médias sociaux (X, TikTok, Instagram, Facebook), et fonctionnera dans plus de 35 langues.
Chaque menace identifiée sera signalée au réseau social visé. L’objectif est d'intervenir avant que l'athlète n'ait pris connaissance de l'abus.
Environ 15 000 athlètes accrédités aux Jeux olympiques et paralympiques bénéficieront par défaut de ce service, qui a été élaboré conjointement par la Commission des athlètes du CIO et par la Commission médicale et scientifique du CIO.
Lors d’un essai lors de la Semaine olympique du sport électronique, le système a permis d’identifier 199 messages abusifs sur 17 000 publications (il aurait évidemment été intéressant d’avoir une analyse humaine de ces 17 000 publications, pour savoir combien de messages abusifs ont été ratés).
La question est maintenant de voir à quel point les réseaux sociaux vont collaborer à l’initiative et s’ils auront des mécanismes en place pour accélérer le traitement des plaintes, ou s’ils vont plutôt prendre leur temps pour retirer les messages haineux, comme c’est trop souvent le cas.
L’IA pour améliorer les performances : le cas de l’équipe de natation australienne
J’ai discuté longuement d’IA en novembre dernier avec Jess Corones, la responsable des analyses de performance et chef de la campagne olympique pour Swimming Australia, l’équipe nationale de natation australienne.
Depuis 2019, les outils d'IA, notamment de vision par ordinateur, sont utilisés par Swimming Australia pour suivre et évaluer les nageurs dans la piscine, ce qui améliore la capacité de l'équipe à analyser et à se doter de stratégies pour les entrainements et les compétitions.
"Auparavant, nous ne pouvions analyser que peut-être deux nageurs dans une course. Maintenant, avec l'IA, nous pouvons analyser tous les dix nageurs simultanément. Cela étend considérablement notre jeu de données et nous permet de tirer des analyses plus complètes de chaque course", m’a expliqué Jess Corones, lors de la conférence AWS re:Invent.
L'IA développée par Swimming Australia et AWS, le bras infonuagique d’Amazon, est aussi utilisée pour analyser les performances des concurrents, ce qui aide à planifier les courses.
Un autre outil d’IA de Swimming Australia aide d’ailleurs à tirer profit de ces analyses pour optimiser la composition des équipes de relais, en plus de prédire quelle sera la composition des autres équipes.
« Il y a en fait beaucoup de stratégie et de tactique dans l'ordre de nage dans une course à relais. Il y a aussi un aspect psychologique. Savoir comment les Canadiens, les Américains, les Chinois et les Français vont nager aide vraiment nos athlètes et leur donne confiance. Quand ils sont sur le bloc de départ, ils ont une idée de comment la course va se dérouler », explique Jess Corones.
Selon cette dernière, c’est cet outil qui a permis à l’Australie de dominer aux épreuves à relais lors des Jeux olympiques de Tokyo, où les nageurs et nageuses ont obtenu un podium dans chacune des sept épreuves à relais. « Ça n’explique évidemment pas tous nos succès, mais ça nous a aidés », croit-elle.
L’équipe de natation australienne a aussi développé d’autres outils, qui rassemblent notamment toutes les données sur les athlètes au même endroit, facilitant ainsi leur utilisation par les entraineurs. D’autres avancées récentes devraient aussi être dévoilées après les Jeux olympiques.
« On s’attend à ce que plusieurs autres équipes dans le monde aient des programmes d’IA cette année à Paris », note Jess Corones.
Malheureusement, le Canada semble toutefois tirer un peu de la patte pour l’instant. J’ai contacté une dizaine d’équipes canadiennes au cours des derniers mois. Parmi celles qui ont répondu, aucune n’avait de véritable programme mis en place.
« Actuellement, nous n'utilisons l'IA dans aucun de nos systèmes principaux », a affirmé Simon Nathan, directeur de la haute performance à Athlétisme Canada. « Nous en sommes aux étapes préliminaires de l’étude pour déterminer dans quels domaines l'IA peut améliorer notre processus décisionnel », m’a pour sa part confié Nathan White, directeur associé aux communications à Natation Canada.
Bref, les Jeux olympiques de Paris s’annoncent pour être les jeux de l’IA. Mais comme partout ailleurs, la disparité entre les nations par rapport à son adoption est encore grande.
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