D’où viendront les colis Amazon au Québec (et petit cours de logistique d’Amazon 101)?
Amazon se retire de la livraison au Québec, mettant ainsi environ 1700 employés à pied. En tout, près de 2000 travailleurs seront touchés. Les sept sites logistiques de l’entreprise dans la province seront fermés d’ici deux mois.
Rappelons que l’un des deux seuls centres d’Amazon syndiqués est situé au Québec, et que les négociations n’allaient pas bon train. Un centre américain à Staten Island près de New York est aussi syndiqué depuis 2022, mais les négociations pour une convention collective n’ont toujours pas eu lieu.
Amazon se retire de la livraison au Québec, mais elle ne le fait nulle part ailleurs. Peu importe ce qu’en dit officiellement l’entreprise, il faudrait être naïf ou faire de l’aveuglement volontaire pour croire que le retrait d’Amazon (et, encore une fois, nulle part ailleurs) n’est pas relié à sa lutte bien documentée contre la syndicalisation.
Comment fonctionnent les livraisons d’Amazon
J’ai visité quelques centres d’Amazon au cours des dernières années. Le cœur de la logistique de l’entreprise se retrouve dans ses centres de distribution (les fullfillment centers, en anglais). Il y en a 22 au Canada, sans compter celui de Lachine au Québec, qui doit fermer ses portes.
C’est là que les items sont reçus des fabricants, qu’ils sont stockés et qu’ils sont empaquetés dans des boîtes ou enveloppes pour les consommateurs lors d’un achat. Plus un fullfillment center d’Amazon est récent, plus celui-ci est robotisé.
Si vous recevez une livraison d’Amazon en deux colis différents la même journée, c’est généralement parce que vos achats étaient stockés dans deux centres de distribution différents. Et si une date prévue de livraison au moment d’un achat est de trois jours plutôt qu’un seul, c’est probablement parce que l’objet que vous achetez est situé dans un centre éloigné (ou qu’il n’est pas en inventaire).
Amazon a aussi d’autres types d’entrepôts, notamment des centres de tri (deux seront fermés), des centres de livraison (trois seront fermés) et des centres de livraison AMXL (un sera fermé). Pour simplifier, disons que les centres de tri classent les paquets (ceux assemblés dans les fullfillment centers) qui seront envoyés aux consommateurs, et les centres de livraison font la remise finale aux livreurs. Les centres de livraison AMXL sont quant à eux dédiés aux gros objets.
En plus de la livraison avec ses propres camions, Amazon fait aussi livrer des colis par différents fournisseurs, comme Intelcom, Purolator, Postes Canada, UPS, DHL et RDL, que ce soit pour des raisons de coûts ou de logistique (les livreurs d’Amazon ne partent pas de Montréal pour aller à Gaspé, après tout).
Que va-t-il se passer au Québec?
Amazon souhaite confier la livraison au Québec à des entreprises tierces, comme c’est déjà le cas dans plusieurs régions, et comme c’était le cas il y a quelques années à Montréal. L’entreprise affirme que ça ne devrait rien changer pour les clients. J’en doute fortement.
La livraison des colis elle-même est relativement facile à régler. Pour minimiser les impacts sur le service, il faudrait qu’une entreprise québécoise (ou plusieurs) puisse reprendre tous les services de tri d’Amazon au Québec.
Radio-Canada a rapporté hier qu’Intelcom serait intéressée à le faire, ce qui serait une bonne nouvelle. Plusieurs clients semblent avoir une mauvaise impression de l’entreprise, mais personnellement, j’ai toujours bien été servi par ses livreurs, surtout au cours des dernières années.
Toutefois, même si Intelcom reprend le tri et la livraison, l’entreprise ne pourra pas reprendre le centre de distribution d’Amazon de Lachine. Les items achetés sur Amazon viendront donc systématiquement d’un fullfillment center en Ontario, où sont situés la moitié des centres de l’entreprise au Canada, du nord des États-Unis ou d’ailleurs dans l’ouest du Canada.
Pour les clients d’Amazon, ce n’est pas la fin du monde (Amazon n’a pas de centre de distribution en Saskatchewan, et sauf erreur, la guerre civile n’a toujours pas été déclarée à Regina). Mais il sera difficile d’éviter une diminution dans la qualité et la rapidité du service.
Concrètement, voici ce à quoi je m’attends :
- Les livraisons le lendemain seront plus rares (mais pas impossibles : les deux centres de distribution d’Ottawa ne sont après tout pas si loin de Montréal), et les items devront être commandés plus tôt dans la journée pour y avoir droit.
- Les livraisons de trois à cinq jours seront plus fréquentes, puisque de plus en plus de colis proviendront d’ailleurs au Canada. C’est d’ailleurs déjà le cas en ce moment. Le temps d’ajustement des services de livraison locaux pourrait aussi empirer cet aspect, surtout au début.
- Les livraisons en colis multiples seront plus fréquentes, puisque l’approvisionnement devra être réparti entre différents centres plus éloignés. À moins que le centre le plus récent d’Ottawa ait assez de marge de manœuvre pour prendre en charge l’ensemble du marché québécois, mais ce serait étonnant. En moyenne, aux États-Unis, un centre de distribution d’Amazon dessert 3 millions de personnes. Au Canada, les 22 centres restants desservent 1,8 million de personnes. Nous sommes 9 millions de personnes au Québec.
- L’empreinte environnementale des livraisons (qui n’est pas si mauvaise – un camion qui distribue 100 petits colis est plus efficace énergétiquement que 100 personnes qui prennent leur auto pour aller magasiner) va augmenter.
- Les livraisons pendant les périodes de pointe seront considérablement plus difficiles qu’à l’heure actuelle. Si vous avez l’habitude d’acheter vos cadeaux de Noël sur Amazon, vous devrez trouver une solution de rechange en 2025 (ou vous y prendre un peu d’avance).
- Tout ceci veut aussi dire que certaines options de livraison qu’Amazon offre ailleurs ne verront finalement jamais le jour ici, comme la livraison le jour même. <
Il s’agit évidemment d’une triste nouvelle pour ceux qui perdent leur emploi.
Mais voyons aussi un peu le verre à moitié plein : pour les concurrents d’Amazon (c’est-à-dire à peu près tout le monde) qui hésitaient à rehausser leur présence en ligne, il s’agit d’une belle occasion pour reprendre une partie des parts de marché d’Amazon au Québec.
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Les PC avec IA: incontournables, mais non essentiels (InfoBref)
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