Bluesky : ceci n’est pas une vague comme les autres
« Dans la (courte) histoire des réseaux sociaux, il y a eu beaucoup plus de modes passagères que de succès durables. »
Cette phrase, je l’écrivais l’année dernière par rapport au réseau social Threads de Meta dans Protégez-Vous, où j’affirmais aussi que la place à long terme du réseau était « loin d’être acquise ».
Une année auparavant, j’écrivais dans L’actualité « Mastodon sera-t-il le prochain réseau social privilégié par les utilisateurs de Twitter désenchantés par Elon Musk ? Notre chroniqueur techno en doute » (hé oui, quand un texte réfère au journaliste qui l’écrit à la troisième personne, c’est généralement lui ou elle qui a écrit ce passage).
J’avais jusqu’à cette semaine la même opinion de Bluesky, ce réseau inspiré de Twitter, mais qui se veut plus décentralisé. C’est pour cette raison que j’avais créé un compte l’année dernière (vous pouvez me suivre ici), mais que je n’y avais jamais rien publié.
D’où vient mon scepticisme? Premièrement, l’effet de réseau est très important dans un réseau social. Que ce soit avec Facebook, Instagram ou X, vous avez déjà des centaines, voire des milliers de contacts. Pour remplacer un tel service, il faut que la nouvelle plateforme ait vraiment quelque chose de neuf et de durable à offrir, et que la plateforme d’origine soit vraiment rendue mauvaise, ou qu’elle tourne vraiment au ralenti.
Il faut aussi – et c’est ça le plus important et qui est le plus difficile à contrôler pour les développeurs - qu’il y ait un mouvement de masse auprès des utilisateurs. Un réseau social ne se bâtit pas brique par brique, mais vague par vague.
Mastodon, trop complexe, n’a pas bénéficié de mouvement de masse. Thread a pour sa part bénéficié en partie d’un certain mouvement, mais parce que l’entreprise a triché en siphonnant ses abonnés Instagram vers Threads. Ça marche un peu, mais, entendons-nous, il n’y a pas de « participation de masse » sur Threads (peut-être en partie parce qu’on a l’impression de déshabiller Pierre pour habiller Paul en adoptant une énième plateforme de Mark Zuckerberg).
Avec Bluesky, un réseau social dont la popularité a explosé au cours des derniers jours, c’est différent, du moins au Québec.
Je crois que :
1 – l’écœurantite est beaucoup plus grande par rapport à X qu’elle ne l’était l’année dernière, ce qui change un peu la donne. Plusieurs blâmeront les élections américaines, mais c’est une erreur. Il suffit d’ouvrir par accident l’onglet For You (Pour Vous) pour tomber sans consentement dans les bas-fonds du web et se rendre compte de l’état lamentable de la plateforme. L’euphorie des premiers jours sur Bluesky (qui va s’estomper), met évidemment encore plus en évidence la toxicité actuelle de X.
2 – Bluesky est encore en développement, mais le service est désormais assez avancé pour être tout à fait utilisable (plus que Threads à son lancement l’année dernière, et beaucoup plus que Mastodon il y a deux ans).
3 – le mouvement de masse qu’on observe depuis quelques jours au Québec est bien réel. Le Devoir a annoncé mercredi avoir atteint 5000 abonnés. Jeudi matin, au moment d’écrire ces lignes, le compte était à 8400. À peu près tous les journalistes de la province ont rejoint le site. Je suis convaincu que les politiciens et certaines organisations suivront rapidement, puis les entreprises. L’adoption de la part du grand public devrait pour sa part se faire d’une manière normale (nous sommes en ce moment dans la phase des utilisateurs précoces, reste à voir quelle sera à terme la popularité de Bluesky).
Blusky est en hausse ailleurs aussi, le site ayant amassé 1 million d’abonnés depuis les élections américaines. Toutes proportions gardées, le mouvement de masse au Québec est toutefois beaucoup plus grand.
Je ne dis pas que Bluesky a atteint son point de décollage partout dans le monde. Mais au Québec, c’est le cas. Cette vague n’est pas comme les autres, et je crois qu’ici, Bluesky est là pour de bon.
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